Devenue incontournable depuis la crise sanitaire, l’instauration du télétravail quelques jours par semaine s’impose dans la majorité des entreprises, où il est sollicité par les salariés et un critère pour attirer de nouveaux talents. Or, ce changement d’organisation ne relève pas d’une recette unique « miracle », mais demande une adaptation selon la taille de la structure et des activités de l’entreprise. Comme le préconisent Claire Abate, avocate spécialiste en TPE-PME, il faut s’informer, échanger et communiquer, et poser un cadre clair et précis afin de vivre au mieux cette révolution du travail.
Le cadre juridique du télétravail a été posé bien avant la crise sanitaire, dès 2002, par un accord-cadre européen, puis un accord national interprofessionnel (ANI) en 2005 et une loi de mars 2012, complétée par une ordonnance en 2017 ratifiée en mars 2018, et enfin un nouvel ANI en novembre 2020. « Il existe beaucoup de dispositions relatives au télétravail, rendant complexes son appréhension », souligne Claire Abate, avocate au Barreau de Paris, fondatrice du cabinet AC Legal Avocat spécialisé dans l’accompagnement des TPME et ETI, et membre de la CPME Ile-de-France.
Le code du travail prévoit notamment trois outils pour mettre en place le télétravail : un accord collectif, à défaut une charte établie unilatéralement par l’employeur, nécessitant l’avis du comité social et économique (CSE) s’il existe, ou en l’absence d’accord collectif ou de de charte, un simple accord entre le salarié et l’employeur « formalisé par tout moyen ». Dans ce dernier cas, Claire Abate conseille d’établir « un écrit » matérialisant l’accord des parties, et plus largement elle ne recommande pas cette dernière option « sauf pour une TPE ayant un ou deux salariés ».
Dans les entreprises ayant des délégués syndicaux, la négociation des accords collectifs mettant en place le télétravail sera menée par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans l’entreprise. Pour celles dont l’effectif se situe entre 11 et 49 salariés, c’est un salarié mandaté ou un élu du CSE, mandaté ou non par une organisation syndicale représentative dans la branche, ou à défaut au niveau national ou interprofessionnel, qui sera chargé de négocier l’accord. « La question de l’interlocuteur pour la négociation est cruciale, car il faut un ou des partenaires sociaux formés, connaissant bien les problématiques juridiques », note Me Abate.
Dans les entreprises d’au moins 11 salariés disposant d’un CSE, elle recommande vivement de l’informer et de le consulter préalablement pour la mise en place collective et généralisée du télétravail. Pour les entreprises ne disposant pas de CSE, avec un effectif inférieur à 20 salariés, l’employeur peut toujours établir unilatéralement un projet d’accord, qui sera ratifié par les salariés à la majorité des deux tiers.
À l’exception des cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles, comme la crise sanitaire, le télétravail requiert un double accord, celui de l’employeur et celui du salarié. Le refus du salarié ne constitue donc pas une cause de licenciement. C’est à l’employeur de définir les postes télétravaillables, certains ne le sont pas par essence, mais il faut le justifier pour d’autres. Un employeur qui refuse d’accorder des jours de télétravail à un salarié occupant un poste permettant d’en bénéficier doit motiver sa réponse.
« Il faut définir de façon très claire les postes télétravaillables et ceux qui ne le sont pas, afin de ne pas entraîner de discrimination entre les salariés », ajoute l’avocate. D’autre part, « il faut réfléchir en amont au nombre de jours de télétravail en fonction du budget que cela entraîne pour l’entreprise (locaux, ordinateurs, logiciels, etc.), envisager plusieurs options, notamment une clause de réversibilité si jamais cela ne fonctionne pas », prévient Claire Abate. Dans le cadre des dispositions légales, tout accord ou charte doit préciser le mode de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail, déterminer des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail et des temps de pause en regard du droit à la déconnexion.
La problématique de l’accompagnement des salariés à la santé et à la sécurité au travail « se pose particulièrement lors du télétravail », car le lieu de travail, le domicile en l’occurrence, « doit être conforme et sécurisé, par exemple respecter les normes électriques », ajoute Me Abate. Une attestation sur l’honneur du salarié sera alors requise. De plus, le télétravail peut entraîner des risques psychosociaux difficiles à identifier lors de télétravail à plein temps.
« Il est impératif de se faire aider dans la mise en place du télétravail, car il recouvre des réalités complexes : clauses obligatoires, modalités et clauses adaptées à l’entreprise selon ses spécificités », résume Claire Abate, qui indique plusieurs points de vigilance tels que les frais engendrés par le télétravail et le remboursement des frais de transport lorsque le salarié décide de s’installer loin du siège de l’entreprise. Dans ce cas, le salarié a l’obligation d’informer son employeur du changement de domicile, mais l’employeur ne peut pas s’y opposer et doit se pencher sur le montant du forfait remboursé.
ACCORD ENTRE SALARIÉ ET EMPLOYEUR PEUT ÊTRE « FORMALISÉ PAR TOUT MOYEN ».
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Ces articles sont issus du premier numéro de Mutations économiques, politiques et sociales, le magazine de la CPME Paris. Pour retrouver le magazine complet, cliquez ici.