Principaux axes doctrinaux de la CPME à propos de la santé au travail

18 Avr 2019 | Actualités, Droit du travail, Santé

Dans le cadre de la réforme de la santé au travail, la CPME porte plusieurs propositions : indemnités journalières, mise en place d’un « passeport sécurité », inaptitude, responsabilité de l’employeur… 

Mise en place d’un passeport sécurité pour les salariés

Contexte

Le chef d’entreprise, dans le cadre de son obligation générale de sécurité, se retrouve contraint de faire participer ses salariés à des formations surabondantes et parfois même redondantes, le conduisant à ne parfois plus savoir précisément à quelles obligations il doit se conformer.

A titre d’illustration, il existe de nombreux CACES (certificat d’aptitude à la conduite en sécurité), des certificats distincts relatifs au travail sur échafaudage en fonction du fait qu’il soit mobile ou fixe, etc. Au total, à la lecture du guide de l’INRS relatif aux formations à la sécurité, il existe plusieurs dizaines de types de formation à la sécurité liées au poste de travail et résultant d’obligations réglementaires (cela va des agents biologiques, en passant par les appareils de levage, l’électricité, les équipements de travail … ).

Propositions de la CPME

Afin de mieux sécuriser le chef d’entreprise, mais également les salariés et les apprentis, la CPME propose de créer un « Passeport sécurité » pour les salariés, les apprentis, mais également les demandeurs d’emploi.

En ce qui concerne les apprentis, on peut imaginer un module de formation en début de contrat d’apprentissage préalable à l’entrée dans l’entreprise. Bien entendu, ce principe peut également être étendu aux formations favorisant la réinsertion professionnelle pour les demandeurs d’emploi souhaitant se réorienter vers un nouveau secteur d’activité.

Ce passeport facultatif se déclinerait en :

  • Un module de formation de base, commun à toutes les branches professionnelles, qui serait constitué d’une formation couvrant les risques courants, communs à tous les secteurs d’activité ;
  • Des modules complémentaires, dont l’élaboration du contenu serait renvoyée au niveau des branches, à charge également pour elles de déterminer les types d’activité nécessitant le recours à ces formations.

Il conviendrait d’identifier au niveau interprofessionnel les principales catégories de risques et d’établir la liste de ces risques professionnels de manière non exhaustive, afin de permettre aux branches de s’en inspirer pour constituer leur« Passeport sécurité ».

Pour les activités ou les secteurs d’activités où les risques encourus sont liés à des activités « tertiaires » ou sédentaires, le module de base suffirait à l’obtention de ce « Passeport sécurité ».

Pour les travaux à risques spécifiques aux branches, le suivi des modules complémentaires particuliers au poste de travail occupé par le salarié concerné serait également nécessaire pour l’obtention du « Passeport sécurité ».

Ces deux types de formation se matérialiseraient par l’attribution d’un certificat, le « Passeport sécurité », certificat qui pourrait s’articuler en deux volets:

  • Le premier volet attestant du suivi de la formation de base;
  • Le deuxième volet, spécifique à chacune des branches, attestant du suivi de la ou des formation(s) de la branche nécessaire(s) à l’occupation du poste tenu par le salarié.

Le « Passeport sécurité », remis à l’employeur, remplacerait les formations obligatoires, permettrait d’attester de l’efficience de la ou des formation(s) auprès des services de l’inspection du travail et des services de prévention des CARSAT à l’occasion de tout contrôle en matière d’hygiène et de sécurité.

De plus, il favoriserait l’employabilité des demandeurs d’emploi qui montreraient, d’une part, leur motivation pour un secteur d’activité et, d’autre part, leur capacité à y occuper des postes requérant des formations obligatoires.

Il serait éligible aux financements via la formation professionnelle continue.

Indemnités journalières

Contexte

Le constat est là, les arrêts maladie s’envolent et l’indemnisation de ces arrêts de travail représente un coût pour l’assurance maladie qui ne cesse de croître d’année en année dans des proportions alarmantes sans que les causes de cette croissance ne soient parfaitement établies.

De surcroit, le système d’indemnisation en vigueur est inéquitable car selon que l’on est salarié ou fonctionnaire, selon que l’on bénéficie d’une couverture favorable proposée par l’entreprise ou la branche ou selon que l’on dispose d’une ancienneté importante, le niveau d’indemnisation des arrêts maladie varie considérablement.

Devant ces constats, la CPME propose de responsabiliser les trois types d’acteurs qui sont au centre du système.

Propositions de la CPME
  • Responsabiliser les salariés
    • Rétablir l’équité entre les salariés quelle que soit leur entreprise ou leur secteur, public ou privé, en imposant un nombre de jours de carence identique entre tous les salariés quels qu’ils soient.
    • Rendre ces jours de carence d’ordre public en interdisant toutes dérogations, y compris conventionnelles.
    • Supprimer les jours de carence pour les arrêts médicaux nécessités par une hospitalisation pour intervention chirurgicale non programmée ou pour urgence médicale et indiqués comme tels à l’employeur.
  • Responsabiliser l’employeur en favorisant la prévention
    • Rendre obligatoire la notification immédiate à l’employeur des résultats des contrôles de la sécurité sociale: existence ou non d’une pathologie et d’un traitement.
    • Donner la possibilité à l’employeur qui le demande de connaître la cause de l’arrêt maladie, à charge pour lui de prendre ensuite les mesures de prévention qui s’imposent en cas de causes récurrentes.
  • Responsabiliser les médecins en luttant contre les abus
    • Systématiser les contrôles de la sécurité sociale en cas d’arrêts maladies de plus d’un mois.
    • Prêter une attention particulière aux arrêts du vendredi ou du lundi.
    • Permettre à l’employeur de réclamer à la Sécurité sociale un contrôle spécifique en motivant sa demande.
    • Limiter à 3 le nombre possible de renouvellements de l’arrêt maladie par un même praticien. Au-delà, la prorogation n’est plus possible que par le médecin conseil de la Sécurité sociale.

Responsabilité de l’employeur

Contexte

En matière d’obligation de sécurité vis-à-vis de ses salariés, l’employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés.

Ces mesures comprennent :

  • des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité (adaptation des postes de travail, évaluation des risques qui conduit à l’élaboration du document unique… ) ;
  • des actions d’informations et de formation des salariés (affichages obligatoires, formations à la sécurité des salariés en fonction des postes qu’ils occupent…) ;
  • la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés (adaptation des locaux de travail, installations de machines conformes et adaptées, mise à disposition d’équipements ;
  • de protection collectifs ou individuels adaptés aux risques auxquels sont exposés le salariés…).

En synthèse, l’employeur est tenu de procéder à l’évaluation des risques professionnels de son entreprise, à l’élaboration de son document unique de prévention et à la mise en place des mesures qui en découlent.

Sanctions possibles

En cas de non-respect de ces règles par l’employeur, celui-ci peut être sanctionné par l’inspecteur du travail (mise en demeure suivi éventuellement d’un procès-verbal, chaque infraction étant passible d’une amende pénale de 3 750 € au plus).

Et d’autre part, en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle d’un de ses salariés, l’employeur engage tant sa responsabilité civile que pénale.

Enfin et surtout, dans ce cas précis, l’employeur peut être condamné à indemniser le salarié pour faute inexcusable; cette dernière est constituée dès lors que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience des dangers auxquels était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

L’indemnisation consiste en une prise en charge des dommages non couverts par la sécurité sociale, des indemnités pour les préjudices physiques et moraux subis ainsi que d’une majoration de rente ou de capital.

Ainsi, il est demandé à tout employeur d’engager des démarches longues et complexes pour garantir la sécurité et la santé de leurs salariés; si pour une raison ou pour une autre, quand bien même l’ensemble des obligations qui pèsent sur l’employeur ont été mises en oeuvre, survient l’accident du travail ou la maladie professionnelle, compte tenu de cette obligation de sécurité de résultat qui pèse sur lui, sa responsabilité pénale et la faute inexcusable lui seront opposées.

En d’autres termes, quand bien même l’employeur s’appuierait sur un Service de Santé au travail interentreprise ou un cabinet Conseil en prévention des risques, en cas d’ATMP, il est généralement considéré qu’il n’a pas rempli ses obligations.

Propositions de la CPME : transformer cette obligation de résultat en obligation de moyens sous conditions

La mise en place du« Passeport sécurité» (Cf supra) permettrait à l’employeur de respecter son obligation de formation de ses salariés.

Compte tenu de la pluridisciplinarité qui est de mise au sein des SSTI, une partie des responsabilités du chef d’entreprise serait transférée vers les services de santé au travail.

Ainsi, pour les chefs d’entreprise qui paieraient une cotisation au SSTI comportant une composante facultative « conseil et formation en prévention », les services accompagneraient l’employeur à l’évaluation des risques au sein de l’entreprise et procéderaient à la formalisation du document unique avec le chef d’entreprise.

Dès lors, si l’employeur met en oeuvre les mesures de prévention qui résultent de cet accompagnement, il ne saurait plus lui être opposé une obligation de sécurité de résultat mais uniquement une obligation de moyens.

Inaptitude d’origine professionnelle ou non

Les règles en vigueur conduisent le dernier employeur à mettre en oeuvre la lourde procédure de reconnaissance de l’inaptitude et à assumer toutes les conséquences de cette reconnaissance.

Un tel dispositif ne favorise nullement l’emploi des seniors.

Contexte

Si, à l’issue d’un arrêt de travail, l’état de santé du salarié le met dans l’incapacité physique ou mentale d’exercer tout ou partie de ses fonctions, il pourra être considéré par le médecin du travail comme inapte.

Cette reconnaissance de l’inaptitude doit d’abord être précédée par la mise en place d’une procédure préalable qui doit impérativement respecter trois étapes: au moins un examen médical, une étude du poste du salarié et de ses conditions de travail, un échange avec l’employeur.

Cette procédure préalable, à la main du médecin du travail, conduit éventuellement à la rédaction d’un avis d’inaptitude.

A l’issue de cet avis, l’employeur comme le salarié peuvent le contester devant le conseil de prud’hommes dans un délai de 15 jours.

En tout état de cause, l’employeur a une obligation de reclassement du salarié déclaré inapte.

Et lorsqu’il n’est pas en mesure de procéder au reclassement du salarié dans les conditions précisées par le médecin du travail, dans le respect d’une procédure complexe (dont l’information motivée au salarié), l’employeur devra procéder à la rupture du contrat de travail.

Nous constatons donc que la procédure de reconnaissance de l’inaptitude d’un salarié et ses conséquences sont particulièrement longues et complexes et mettent l’employeur la plupart du temps dans une situation difficile.

Par ailleurs, si l’inaptitude n’est pas d’origine professionnelle, l’inexécution du préavis ne donne pas lieu à une indemnisation compensatrice (sauf dispositions conventionnelles plus favorables). Néanmoins, la durée du préavis non effectué est prise en compte pour calculer la durée acquise le jour de la rupture pour l’indemnité légale de licenciement.

Ceci a donc une conséquence financière pour le chef d’entreprise alors même que l’inaptitude n’est pas d’origine professionnelle.

Propositions de la CPME

Supprimer la règle consistant à prendre en compte la durée du préavis non effectué dans les modalités de calcul de l’indemnité légale de licenciement, conséquence d’une inaptitude d’origine non professionnelle.

Situation aggravée dans le cas d’une inaptitude d’origine professionnelle

Contexte

Un accident de travail ou une maladie professionnelle déclarée chez le dernier employeur le contraint à gérer la procédure de reconnaissance de celle-ci.

Dans le cas d’une maladie professionnelle, il arrive bien souvent que les activités antérieures du salarié chez ses précédents employeurs soient également à l’origine de tout ou partie de cette maladie professionnelle.

Le dernier employeur a la possibilité de démontrer qu’elle est imputable à d’autres entreprises mais il est généralement dans l’impossibilité d’avoir accès aux éléments nécessaires, notamment si le ou les précédentes entreprises ont disparu.

Il devra alors supporter les frais liés à la rupture pour inaptitude physique (indemnité compensatrice en cas d’inexécution du préavis, par ailleurs prise en compte pour déterminer l’ancienneté acquise au jour de la rupture du contrat et surtout indemnité spéciale de licenciement au moins égale au double de l’indemnité légale de licenciement) et également les cotisations supplémentaires en matière d’ATMP.

Propositions de la CPME

Les coûts générés par la reconnaissance d’une maladie professionnelle conduisant à la reconnaissance de l’inaptitude ne doivent pas être à la charge exclusive du dernier employeur, si cette maladie lui est partiellement imputable, mais uniquement proportionnellement au temps passé dans l’entreprise.

Dans le cas où l’employeur ne peut avoir accès aux éléments qui auraient pu lui permettre de démontrer que la maladie professionnelle n’est pas uniquement imputable à l’activité de son entreprise, le coût financier en résultant devrait être équitablement répartie entre le dernier employeur (prorata temporis) et un fonds mutualisé dédié, financé par la branche ATMP (qui, après les 800 millions d’excédents en 2016, a encore dégagé des excédents en 2017 pour un milliard d’euros).

Services de santé au travail : ouverture à la concurrence et la sécurisation des entreprises en matière de visites médicales réglementaires

Contexte

Les Services de Santé au Travail Interentreprises (SSTI) sont répartis de manière inégale sur le territoire national. Selon que l’entreprise se trouve dans un département donné, elle pourra avoir accès à un seul SSTI ou à plusieurs services. De surcroit, dans certains départements dont la topographie est difficile, l’accès au SSTI (qui peut être unique) est compliqué.

Ainsi, la proximité que le chef d’entreprise attend de son SSTI ainsi que l’efficience du service proposé par celui-ci ne sont pas forcément effectives.

Un autre problème est celui de la pénurie des médecins du travail qui, combiné à l’inégale répartition des SSTI sur le territoire (et/ou l’hégémonie qu’exercent certains d’entre eux sur une zone géographique donnée) conduit certaines entreprises à ne pas pouvoir répondre à leurs obligations en matière de visites médicales réglementaires.

Le SSTI n’est pas toujours en mesure d’organiser la visite médicale d’information et de prévention (VIP) ou les visites de reprise du travail (après arrêt pour maladie professionnelle ou non professionnelle, ou pour accident du travail) dans les délais réglementaires impartis, auquel cas la responsabilité de l’employeur risque d’être engagée.

Propositions de la CPME
Sécurisation des entreprises en matière de visites médicales règlementaires

La généralisation des prises de rendez-vous, via Internet, des visites médicales obligatoires devrait permettre d’accroître la sécurisation juridique des entreprises confrontées à une insuffisance des moyens disponibles au plan régional.

Lorsqu’un SSTI se trouverait dans l’impossibilité de répondre réglementairement à une demande légitime d’une entreprise, cette demande authentifiée par voie numérique devrait valoir « rescrit en santé au travail ». De la sorte, la responsabilité de l’entreprise ne devrait plus pouvoir être engagée et cette situation devrait être automatiquement signalée à l’autorité de pilotage régionale et valoir injonction au SSTI.

Cela vaudrait tout particulièrement pour les visites de « reprise de travail après arrêt pour maladie professionnelle, non professionnelle et accident du travail » dont le délai réglementaire de réalisation devrait par ailleurs être plus raisonnablement porté de 8 à 15 jours.

Services de santé au travail : clarification de la cotisation

Contexte

En matière de cotisations que les entreprises doivent à leurs SSTI, d’une part les dépenses afférentes aux services de santé au travail sont à la charge des employeurs et, d’autre part, dans le cas de services communs à plusieurs entreprises, ces frais sont répartis proportionnellement au nombre des salariés.

Cette règle de répartition de la cotisation par tête des entreprises à leurs services de santé au travail, déjà ancienne puisqu’issue d’une loi du 2 janvier 1973, a été rappelée par une circulaire du ministère du travail du 9 novembre 2012 qui demande aux services de santé au travail interentreprises de facturer un coût d’adhésion à leurs services calculé« per capita ».

Cependant, bon nombre de services sont dans l’illégalité en pratiquant un coût d’adhésion qui tient compte de la masse salariale de l’entreprise et éventuellement des risques spécifiques des postes de travail qui peuvent être tenus par certains salariés.

Ainsi, dans un récent arrêt, la Cour de Cassation s’est prononcée sur le sujet en réaffirmant le principe de la cotisation « per capita », tout en précisant que cette cotisation peut tenir compte proportionnellement du nombre de salariés de l’entreprise et du fait que l’on doit également tenir compte des salariés en Surveillance médicale renforcée.

La Cour de cassation fait entrer dans le mode de calcul la masse salariale et rajoute à la règle du « per capita » un assouplissement, contraire aux termes de la loi, en permettant de moduler le prix de la visite pour les surveillances médicales renforcées.

Propositions de la CPME

La CPME demande que soit fait application des dispositions législatives et réglementaires originelles en matière de cotisation : celle-ci est annuelle, forfaitaire et nominative (« per capita »).

Par ailleurs, compte tenu de l’introduction de la pluridisciplinarité au sein des SSTI et de la distinction entre les missions médicales et celles de prévention, la CPME propose que cette cotisation des SSTI soit désormais formée de trois composantes bien distinctes :

  • une composante « service médical » (obligatoire) ;
  • une composante « mutualisation des fonctions support et recueil des données en santé au travail » (obligatoire) ;
  • une composante « conseil et formation en prévention » (facultative : les entreprises dans ce cas particulier pourraient faire appel à des services de
  • prévention indépendants des SSTI, ne s’agissant pas d’acte médical).
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