Mutations #4 : la course au changement n’est pas un progrès en soi

22 Fév 2024 | Actualités, Mutations

Engagé dans le débat d’idées, Bernard Vivier, directeur de l’Institut supérieur du travail, nous parle du progrès en entreprise sous le prisme des sciences humaines et sociales.

Je dirais que c’est l’ensemble des dispositifs qui permettent de grandir en performance dans tous les domaines de la vie de l’entreprise pour mieux rendre service aux clients comme aux salariés. L’entreprise est l’assemblage de tous les talents pour produire des biens et des services, des salaires, des dividendes, des capacités d’investissement. C’est aussi la satisfaction d’œuvrer ensemble.

Il faut bien conjuguer la performance économique et la performance sociale. La finalité de l’entreprise, ce sont toujours des hommes et des femmes qu’ils soient dirigeants, clients, salariés, sous-traitants, partenaires, actionnaires.

Tout d’abord, il faut considérer que l’entreprise est une communauté en action et pas un champ de luttes. Il faut bannir ce lien d’opposition fondamentale qui définirait comme irréductiblement opposés salariés et dirigeants.

En France, une lecture de l’entreprise héritée du XIXe siècle donne le sentiment, faux, que l’écrasement des uns par les autres est le moteur du progrès. Il y a des conflits en entreprise, mais de la même manière que les conflits sont au cœur de la société. Sans aller jusqu’à la notion de consensus social, on a besoin de trouver un point d’équilibre durable par la négociation, pas par les grèves.

Et les congés payés, n’est-ce pas un acquis par la lutte ?

Les congés payés sont nés au moment du Front populaire pour contribuer à mettre fin aux occupations d’usine. Ils ne figuraient pas dans le catalogue de revendications de la CGT en 1936.

Tout simplement parce que la nature du travail a évolué. Grâce aux machines le travail est moins pénible physiquement, mais il est devenu plus fatiguant psychiquement. Il est plus intense, plus exigeant, et dans un temps plus resserré. De la peine physique, nous sommes passés aux troubles psychologiques.

Le travail, par définition, est toujours et encore un effort, une peine. Le temps de travail s’est réduit, mais le temps passé à travailler est plus intensif. Cette modification a été accélérée lors du passage aux 35 h il y a 25 ans. On a optimisé le temps de travail en le ramenant en temps utile. La productivité horaire n’a cessé de grandir. La France est d’ailleurs très performante en termes de productivité horaire.

Le télétravail génère de la productivité, mais il abîme l’esprit d’entreprise.

N’oublions pas que la raison d’être de l’entreprise, sa première finalité, n’est pas sociale mais avant tout économique. Mais évidemment, si on considère les salariés comme des ressources que l’on exploite comme une ressource minière, on a une lecture déséquilibrée de l’entreprise. L’entreprise a donc aussi une finalité sociale et sociétale. Et le sociétal prend de plus en plus d’importance notamment au niveau environnemental.

On parle même d’entreprise à mission. La vocation sociale est un progrès dans le sens où, dans l’entreprise, elle permet au salarié de trouver un intérêt au-delà du salaire. Les PME, par leur taille, n’ont pas, par exemple, les moyens de mettre en place des formations en interne, mais en mutualisant leurs efforts, elles mettent sur pied des dispositifs de formation professionnelle. À l’extérieur de l’entreprise, les organisations patronales ont une mission sociale avec le financement des institutions sociales, des retraites, de l’assurance chômage…

Les évolutions technologiques ne s’arrêtent jamais. Elles sont source de progrès. Et de danger aussi, pour l’homme et pour l’environnement. Mais les entreprises savent s’adapter. On peut prendre l’exemple actuel des constructeurs automobiles qui savent qu’en 2035, ils ne pourront plus vendre de moteurs thermiques.

La capacité d’assembler pour produire, et de rassembler pour donner un sentiment d’appartenance, de transmission, est très importante. Cette transmission des savoirs n’est pas qu’affaire de livres mais bien d’expérience. Il est des savoirs qui ne peuvent se transmettre que par les Anciens. La capacité à inscrire la relation dans la durée, c’est aussi ça le sens de l’entreprise. La performance d’une entreprise s’éprouve dans la durée, au contraire d’un calcul de rentabilité financière. C’est la raison pour laquelle les PME sont mieux équipées pour le long terme que les grandes entreprises. La dimension familiale et patrimoniale y est souvent plus forte.

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