Depuis plus de vingt ans, Great Place to Work mesure ce qui fait des entreprises des lieux où il fait bon travailler. Qu’est-ce qui fait bouger les relations au travail dans les entreprises ? Jullien Brézun, Directeur Général France, partage son expérience.
“Avoir un travail qui a du sens” : qu’y a-t-il derrière cette volonté ?
Les sources de sens au travail n’ont pas toujours à voir avec les tâches accomplies, mais plutôt avec le climat dans les organisations. Pour nous chez Great Place to Work, le dénominateur commun, c’est la confiance. Elle ne se décrète pas, elle se construit dans le temps. Vous pouvez trouver du sens au travail quand bien même votre activité ne permet pas de sauver la planète. Cependant, si l’on vous fait sentir que vous avez un rôle à jouer dans la réalisation de l’activité considérée et qu’en plus elle correspond à vos valeurs, la puissance du sens au travail est décuplée.
Comment passer de l’objectif du sens au travail à sa mise en œuvre ?
L’acteur numéro un du sens au travail est le manager de proximité, qui, à moins vingt salariés, est souvent le chef d’entreprise lui-même. En plus de la confiance, il transmet l’autre condition indispensable : la considération. Se sentir considéré signifie sentir que l’on a un rôle jouer. Pour y parvenir, plusieurs éléments sont clés : une communication claire des ambitions, de la transparence, favoriser le droit à l’erreur source d’initiative et d’apprentissage. Le manager doit aussi donner régulièrement du feedback à la fois pour encourager et pour faire progresser. L’enjeu est donc de chercher à concilier les attentes individuelles avec les besoins du collectif.
Les constats sont pourtant durs. Repli sur soi, perte de goût du travail : de quoi cela est-il le nom ?
Nous avons mené une étude en février 2023, auprès de 5000 salariés français issus du public et du privé. 58% d’entre eux disent vouloir rester dans leur organisation. Cela ne veut pas dire qu’ils s’y sentent bien, mais qu’ils y trouvent leur compte. Ce « 58 % » va à l’encontre de représentations actuelles, comme celle d’un phénomène de grande démission. Il faut éviter ces raccourcis, même si, c’est vrai, il y une modification du rapport au travail.
Comme les nouvelles générations, qui ne veulent plus s’insérer comme avant dans le monde professionnel ?
Ces jeunes ont construit un rapport au travail nouveau, avec un engagement fait de preuves concrètes. Certes leur rapport au travail change et se redessine mais attention à la caricature. Ils sont beaucoup plus informés. Ils sont tout en paradoxe car ils sont à la fois marqués par une vision très transactionnelle de la relation professionnelle et en même temps à la recherche de liens et d’un collectif.
La clé, c’est donc de bien les comprendre pour répondre à l’ensemble de leurs besoins. N’oublions qu’il s’agit aussi d’une génération qui a vu ses parents s’engager et se faire « débarquer » sans ménagement. Cela laisse certainement des traces.
Qu’est-ce que cela apporte aux employeurs ?
Les nouvelles générations sont comme toujours sources de stimulation et d’innovation. Il est donc encore et toujours essentiel de les écouter, de prendre leur avis en compte et d’adapter nos fonctionnements. Ils sont vecteurs et acteurs de la transformation, qu’elle soit digitale ou organisationnelle, ou dans la cadre de la transition écologique.
Quelle place cela laisse-t-il au progrès dans les organisations ?
Cela dépend de la place que les organisations elles-mêmes veulent lui laisser ! Il faut vouloir le progrès pour le faire advenir. C’est est une démarche volontaire qui dépend de l’ADN de l’organisation, de son histoire, des valeurs qu’elle incarne, de ses dirigeants, de ses collaborateurs. Si les plus petites entreprises peuvent manquer de temps ou de ressources dédiées, elles ont davantage de proximité, qui peut mener à plus de fraternité.
En quoi avons-nous besoin de fraternité ?
Le progrès ne peut exister que s’il sert collectivement. Cette dimension relationnelle nous interroge sur la place donnée à la fraternité en entreprise. Elle est souvent oubliée. Mais réfléchissez-y : quel est le sens du progrès, sans fraternité, sans ce lien qui nous unit ?
Alors comment pouvons-nous progresser dans nos relations au travail ?
Avec une amélioration continue et tranquille, qui repose sur cinq piliers : la crédibilité de l’encadrement, le respect perçu par les collaborateurs, l’équité qu’ils ressentent, leur fierté d’appartenance et la camaraderie. Il faut ensuite une approche simple pour identifier un ou deux éléments-clés de la personnalité de l’organisation et en tirer un plan d’actions. Nous le constatons dans l’industrie, dans les services, dans l’administration… le facteur sectoriel n’entre pas en ligne de compte pour activer le progrès.
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