Il est probable que les DIRECCTES, dans le cadre des nombreuses demandes de prise en charge qui leur sont adressées par les entreprises vont être amenées à en rejeter un certain nombre.
Il est probable que les DIRECCTES, dans le cadre des nombreuses demandes de prise en charge qui leur sont adressées par les entreprises vont être amenées à en rejeter un certain nombre.
Une procédure et des moyens de contester existent.
Le Décret n° 2020-325 du 25 mars 2020 relatif à l’activité partielle vient d’être publié au Journal Officiel du 26 mars suivant.
L’exposé des motifs du décret apporte deux précisions sur lesquelles il est utile d’attirer l’attention :
- D’une part, il modifie les modalités du mode de calcul de l’allocation compensatrice versée par l’État aux employeurs en cas d’activité partielle : il supprime donc, pour les rémunérations inférieures à 4,5 SMIC, le reste à charge pour l’entreprise.
- D’autre part, il assouplit pour les entreprises la procédure de dépôt des demandes d’activité partielle et adapte le dispositif à la crise sanitaire que connaît notre pays.
Ces nouvelles dispositions, qui ont déjà fait l’objet de nombreux commentaires, sont applicables à toutes les demandes déposées depuis le 1er mars 2020, celles-ci devant être déposées sur le site : https://activitepartielle.emploi.gouv.fr/aparts/
I. Conditions d’obtention de l’autorisation
Afin de limiter la propagation de l’épidémie du Covid19, le décret du 25 mars 2020 a ajouté aux cas en vigueur ouvrant droit à l’activité partielle (conjoncture économique, difficultés d’approvisionnement en matières premières ou en énergie ; sinistres ou intempéries de caractère exceptionnel ; transformation, restructuration ou modernisation de l’entreprise), « Toute autre circonstance de caractère exceptionnel », qui vise l’épidémie du Covid-19.
Un premier arrêté du 14 mars a fixé la liste des établissements qui ne peuvent plus recevoir du public [1]. Il a été complété par un arrêté du 15 mars qui exclut de ces listes notamment les activités de livraison et de vente à emporter, le “room service” des restaurants et bars d’hôtels et la restauration collective sous contrat…
II. La demande de placement en activité partielle
L’employeur dispose d’un délai de 30 jours à compter du placement des salariés en activité partielle pour adresser sa demande d’autorisation d’activité partielle à la DIRECCTE dont relève son établissement.
La demande doit être motivée et accompagnée de l’ensemble des pièces justificatives nécessaires à son instruction. Elle doit être établie au titre du placement en position d’activité partielle de salariés à compter du 1er mars 2020. En principe, les demandes rétroactives ne sont pas recevables, mais elles sont admises dans le cadre des demandes d’autorisation d’activité partielle en raison de l’épidémie du Covid-19.
L’article 2 du Décret du 25 mars 2020 fixe le délai de réponse de la DIRECCTE à deux jours (48 heures) et précise que l’absence de réponse de l’administration dans ce délai vaut acceptation implicite de la demande préalable d’autorisation d’activité partielle. Ce délai de 2 jours, qui était de 15 jours avant l’intervention du décret, restera en vigueur que jusqu’au 31 décembre 2020, sa durée est donc limitée.
Si elle décide de refuser la demande d’autorisation, la DIRECCTE doit indiquer les motifs de ce refus. Sa décision peut être contestée, soit par voie de recours administratif, soit devant le juge administratif.
Il semble d’ailleurs à ce stade que les premières décisions de refus aient été reçues par des entreprises, le Ministre du Travail admettant 24 refus, mais les organisations patronales faisant quant à elles remonter des refus en plus grand nombre.
III. Décision de refus et voie de recours
A. Le recours administratif
Cette voie de recours permet à l’entreprise de demander à l’administration de revenir sur sa décision de refus. Il s’agit d’un mode de règlement amiable. Il est donc important de démontrer le bien-fondé de la demande en l’appuyant le cas échéant par de nouveaux éléments, de nouvelles pièces, précisions… Certaines demandes peuvent être satisfaites à ce stade, faisant ainsi l’économie d’une procédure contentieuse.
Si malgré ce recours, La DIRRECTE garde le silence pendant deux mois à partir de la réception de la demande, cela revient à dire qu’elle rejette ce recours et la demande d’autorisation.
Ce rejet peut être contesté par la voie contentieuse devant le juge administratif.
B. Le recours contentieux, la procédure classique pour saisir le Juge.
Il s’agit du Recours en annulation : La décision de refus de l’autorisation étant une décision administrative, seul le Tribunal Administratif est compétent en première instance pour statuer sur sa légalité.
En cas de refus définitif, qu’il soit explicite ou implicite par absence de réponse dans le délai, il convient donc de saisir le tribunal administratif compétent pour lui demander d’annuler la décision de la DIRECCTE refusant l’autorisation. La requête devant ce juge doit être motivée en fait et en droit. Le recours doit être adressé au tribunal dans le délai de deux mois à compter de la date de sa réception.
Pour pouvoir bénéficier du dispositif du décret du 25 mars (précité), l’employeur doit donc pouvoir démontrer que le placement de ses salariés en activité partielle est dû à la fermeture temporaire ou partielle de son établissement ou partie d’établissement, à une réduction du temps de travail, à une baisse d’activité…en raison du Covid-19.
Les Tribunaux Administratifs, saisis de recours contre les décisions de refus de l’autorisation de chômage partiel, vérifient si la DIRECCTE a bien interprété les textes applicables, si elle a bien examiné les pièces sans erreur et si elle a bien apprécié les éléments du dossier qui lui est soumis.
Le Juge étudie les dossiers au cas par cas en vérifiant la réalité et le bien fondé du chômage partiel ou en comparant, par exemple, la situation de l’entreprise avant et après l’épidémie pour rechercher s’il s’agit de difficultés structurelles ou bien de difficultés directement liées au coronavirus.
Les dispositifs d’activité partielle existant depuis fort longtemps dans notre législation, il est possible de vérifier les positions adoptées par les Tribunaux dans le passé afin d’éclairer l’avenir. Ainsi, à titre d’exemples permettant d’établir que les Tribunaux n’hésitent pas à censurer la position de l’administration, une Cour Administrative a jugé que :
« La société G.A. produit les copies des horaires de travail affichés sur les lieux de travail applicables aux différentes catégories de personnels, durant les périodes litigieuses, faisant apparaître deux jours de chômage partiel chaque semaine, ainsi que des états décomptant pour chaque semaine des périodes concernées, les jours travaillés et les journées de chômage partiel de chaque salarié employé dans ses chantiers et ses établissements ; que, dès lors le ministre n’est pas fondé à soutenir que la société G.A. ne remplissait pas les conditions légales pour obtenir le remboursement des allocations chômage partiel » [2].
Le Conseil d’État juge également,
« Considérant que la (…) justifie par la production d’un procès-verbal (…) que ce sont les très significatives baisses de commandes (…) consécutives à la fin de l’application au mois de juin précédent du dispositif de prime de 5.000 F allouée en cas d’achat d’un véhicule neuf pour remplacer un véhicule de plus dix ans qui sont à l’origine des premières mesures de chômage partiel décidées au mois de septembre suivant ; que (…) la conjoncture économique justifiait la réduction ou suspension temporaire d’activité décidée (…) que la société requérante fait valoir sans être contredite qu’au cours de ces dix jours, les 4.600 salariés de son établissement ont été mis au chômage partiel durant l’ensemble de la journée, soit pendant 7,70 heures, la durée de travail étant de 38 heures 30 dans la métallurgie ; qu’il n’est pas non plus contesté qu’en application des dispositions de l’article du code du travail, la société a versé les allocations litigieuses à ses salariés à la date prévue pour le paiement des salaires et produit devant l’administration des états en attestant ; que, par suite, elle peut prétendre au remboursement des sommes correspondantes » [3].
C. Le référé suspension, le moyen pour obtenir rapidement une décision.
Cette action, qui sur le fond doit répondre aux mêmes conditions que le recours contentieux, présente l’avantage de la rapidité, car elle permet de demander au tribunal d’ordonner en urgence la suspension de l’exécution de la décision de refus d’autorisation.
Le Juge des référés examine le dossier au regard de deux conditions : d’une part, il faut que le demandeur justifie de l’urgence, d’autre part, il faut qu’il démontre que c’est à tort que sa demande a été rejetée. Compte tenu des circonstances exceptionnelles créées par le Covid-19, la condition d’urgence pourrait être regardée comme remplie dès lors que l’entreprise justifie notamment de ses difficultés. La condition de l’illégalité du refus doit être démontrée par les pièces du dossier : fermeture partielle, réduction des horaires de travail due à une d’activité en baisse, impossibilité de mettre en place le télétravail…
Le Juge des référés statue dans un délai d’environ trois semaines à compter de la date de sa saisine. Il peut ordonner à la DIRECCTE de reprendre l’examen de la demande d’autorisation d’activité partielle, ce qui pourrait conduire à l’octroi de cette autorisation.
Il nous apparait ainsi important de souligner, compte tenu des implications financières extrêmement importantes que peuvent entrainer les refus d’autorisation de la DIRECCTE, que les entreprises ne sont néanmoins pas démunies et ne doivent donc pas hésiter à envisager un recours.
[1] Salles d’auditions, de conférences, de réunions, de spectacles ou à usage multiple ; Centres commerciaux ; Restaurants et débits de boissons ; Salles de danse et salles de jeux ; Bibliothèques, Centres de documentation ; Salles d’expositions ; Etablissements sportifs couverts, Musées.
[2] CAA Bordeaux 8 février 2001.
[3] CE, 1er février 2006.
Auteurs
Stéphane FRIEDMANN
Avocat au Barreau de Paris
https://www.siksous-friedmann.com
Olivier BOUGASSAS
Avocat au Barreau de Paris
https://bougassas-avocatdroitpublic.fr/contact
Article publié en premier sur Village-Justice et publié ici avec le consentement des auteurs.