Les PME sont de plus en plus nombreuses à se tourner vers le crowdlending pour financer leurs projets sur le long terme. Bernard COHEN-HADAD, Président de la CPME Paris Île-de-France, nous explique les avantages et les réalités de ce mode de financement.
Interview du 03 avril 2017 parue sur www.fusacq.com.
En France, le sentiment d’un problème de financement persiste
« Depuis sa législation en 2014, le crowdlending enregistre une progression rapide en France », commence Bernard COHEN-HADAD. Cet essor s’explique à ses yeux en partie par le sentiment généralisé d’un problème de crédit accordé par les banques aux entreprises. « Dans un sondage mené auprès de 3 600 dirigeants de PME, 71% d’entre eux pensent qu’il y a encore des problèmes d’accès aux financements, et ce, malgré une forte progression du crédit bancaire. Aujourd’hui, il n’y a plus de grave problème d’accès aux crédits ! » Paradoxe ? Pas forcément, « car les banques sont soumises à des contraintes prudentielles de plus en plus fortes. À l’inverse, les fintech offrent aux jeunes PME plus de souplesse et de réactivité malgré des coûts élevés. »
Les fintech offrent une plus grande souplesse en matière d’offre et de prise de risque
En matière d’offre, si celles des banques sont souvent standardisées, le crowdlending permet aux dirigeants de trouver un mode de financement adapté à chacun de leur projet. « La palette d’outils est plus large – capital investissement, financement obligataire ou financement participatif – et les plateformes sont de plus en plus nombreuses d’où la possibilité pour les PME de trouver une solution sur mesure à leurs besoins. »
En matière d’investissements, le crowdlending permet plus facilement de combler les besoins immatériels des entreprises tels que « l’immobilier, la recherche et développement, les partenariats avec les pays à risques, l’emploi de talents ou encore le développement du digital. C’est très différent des banques qui ont tendance à se concentrer sur les investissements lourds – machines, locaux d’activité – et se désintéressent de certains projets. »
En outre, la crise financière de 2008 a changé la donne et a accru la vigilance des établissements financiers : « beaucoup d’entre eux sont devenus plus prudents sur les entreprises en développement, jugées comme risquées. À contrario, les fintech sont moins frileuses à les financer : le taux de rendement supérieur à celui de la moyenne marché compense le risque plus élevé. »
Quinze jours pour financer son projet : les fintech font preuve d’une forte réactivité
À cela s’ajoute la plus grande réactivité des fintech. « Sur une plateforme de financement participatif, on peut raisonnablement espérer récolter les fonds nécessaires en quinze jours, de la présentation du dossier au virement bancaire. » Les banques en revanche sont soumises à une gouvernance parfois handicapante avec de nombreuses procédures administratives. « Même pour un petit montant, les paliers de validation sont beaucoup plus nombreux. Et même quand l’entreprise est en bonne santé, les dirigeants ne couperont pas au questionnaire d’endettement professionnel et familial, aux devis, à l’explication de leurs projets et à un grand oral sur leur bilan. »
Résultat ? « On peut espérer obtenir une validation de son dossier en quinze jours mais la mise à disposition des fonds est rarement immédiate. Pour les dirigeants de PME ayant besoin de se financer rapidement, c’est un argument décisif en faveur des plateformes de financement. »
Et Bernard COHEN-HADAD de conclure : « avec le crowdlending, les dirigeants peuvent trouver une solution de financement adaptée, sur mesure et rapide à tout moment. Ce n’était pas le cas avant et c’est révolutionnaire ! »
Vers une complémentarité des banques et des acteurs du financement alternatif
En dépit de ces avantages, Bernard COHEN-HADAD estime qu’il est difficilement imaginable que les PME puissent entièrement se passer de financement bancaire dans un futur proche. « En France, les banques restent le partenaire privilégié. Le financement alternatif ne doit pas chercher à les remplacer mais à leur être complémentaire. »
Pour y parvenir, il estime que le crowdlending doit encore terminer sa mue dans l’Hexagone. « Il doit être encore plus engagé et garantir plus de proximité entre ses différents acteurs. Aujourd’hui les entrepreneurs et les investisseurs sont soucieux de donner du sens à leur projet : il est indispensable qu’ils soient liés par un intérêt commun. »
Bernard COHEN-HADAD conclut : « le crowdlending permet à chacun de trouver son compte, du sens et d’agir en connaissance de cause. Maintenant, il faut que ces nouveaux services financiers réalisent une véritable révolution culturelle pour se faire connaître auprès du plus grand nombre et s’inscrire durablement dans le paysage économique français. »