L’obligation de vigilance : une exigence légale souvent méconnue 

10 Juin 2025 | Actualités, Droit du travail

L’obligation de vigilance est encadrée par les articles L 8222-1 et D 8222-5 du Code du travail.

Elle a pour objectif :

  • de lutter contre le travail dissimulé
  • d’obliger l’entreprise principale, donneuse d’ordre, à vérifier que son (ou ses) sous-traitant(s) s’acquitte bien de ses obligations de déclaration, de paiement de ses cotisations et qu’il déclare bien ses salariés.

Les contours de cette obligation doivent être parfaitement assimilés, dans la mesure où son irrespect peut donner lieu à des condamnations financières extrêmement importantes pour l’entreprise principale.

Dès lors, pour sous-traiter en toute sérénité, le donneur d’ordre doit penser à demander à son cocontractant un certain nombre de documents administratifs, ci-après détaillés.

Qui est astreint à l’obligation de vigilance ?

En application de l’article D 8254-1 du Code du travail, l’obligation de vigilance s’applique à toutes les entreprises qui entendent passer un marché de fournitures, de travaux, ou de prestation de services de plus de 5.000 € HT cumulés sur l’année. 

Quels sont les documents que vous devez solliciter auprès de vos cocontractants (sous-traitants / prestataires de services / freelance) ?

Les documents énumérés à l’article D 8222-5 du Code du travail sont les seuls dont la remise permet à un donneur d’ordre de s’acquitter de son obligation de vigilance.

Les documents sont les suivants:

  • L’attestation de vigilance : datée de moins de 6 mois, émanant de l’organisme dont le sous-traitant dépend (URSSAF, SSI, ou MSA).
  • L’attestation de régularité fiscale : datée de l’année civile en cours.
  • L’extrait de l’inscription de l’entreprise : datée de moins de 3 mois
    • pour les sociétés commerciales : un extrait de l’inscription au RCS (KBIS)
    • pour les artisans et entrepreneurs individuels : un extrait d’inscription au répertoire des métiers (D1)
    • pour les professions libérales : un extrait d’inscription au répertoire SIRENE

La liste nominative des salariés étrangers ou une attestation sur l’honneur certifiant du non-emploi de salariés étrangers : datée de moins de 6 mois. La liste concerne les salariés étrangers hors l’espace économique européen.

Selon quelles périodicités, devez-vous demander ces documents ?

Le donneur d’ordre doit vérifier que le sous-traitant respecte ses obligations : 

  • Lors de la conclusion du contrat de sous-traitance,
  • Puis, tous les 6 mois jusqu’à la fin de l’exécution du contrat.

Vous suffit-il de solliciter ces documents pour remplir votre obligation ?

Non, les obligations du donneur d’ordre ne se limitent pas à demander les documents au sous-traitant. Vous devez également vous assurer de la validité des attestations que le sous-traitant vous transmet. En effet, le donneur d’ordre doit, sous peine de manquer à son obligation de vigilance (CAA Versailles, 27/02/2020, n°18VE01544), vérifier l’exactitude des informations figurant sur l’attestation soit par voie dématérialisée, soit sur demande auprès de l’organisme. 

Un code de sécurité mentionné sur l’attestation vous permet de s’assurer de l’authenticité et de la validité du document remis. Un module de vérification est disponible sur le lien suivant : https://www.urssaf.fr/portail/home/utile-et-pratique/verification-attestation.html

Vous devez également en vérifier la cohérence (Cass. 2ème civ. 02/06/2022, n°20-21.988). En effet, cette obligation est d’appréciation stricte et l’URSSAF n’est pas flexible, si les documents ne sont pas cohérents entre eux ou qu’il existe des différences de mention (Cass. 2ème civ. 11/02/2016, n°12-21.554), ou s’il manque un document, ce sera la sanction, et aucun autre document ne pourra le remplacer (Cass. 2ème civ. 11/02/2016, n°14-10.614).

A défaut, à quelles sanctions vous exposez-vous ?

Dans le cas où vous manquez à votre obligation de vigilance, vous pouvez être tenu responsable solidairement de vos co-contractants. Et pour cause, il arrive que les cocontractants fassent l’objet d’un contrôle URSSAF destiné à vérifier leur respect de la règlementation en matière de travail dissimulé et paiement de cotisations sociales.

Dans ce cadre, en cas de non-respect des obligations en matière de vigilance et si le cocontractant fait l’objet d’un procès-verbal de travail dissimulé, vous pourrez vous voir condamné solidairement avec le cocontractant : 

  • Sur le plan pénal : à 3 ans d’emprisonnement 
  • Sur le plan civil : à une amende allant de 45.000 euros pour une personne physique à 200.000 euros pour une personne morale mais également au règlement des impôts, taxes, cotisations de sécurité sociale et rémunérations et au remboursement des aides publiques dont vous auriez pu bénéficier. 

N.B : en pratique, une lettre d’observation est adressée par l’URSSAF qui informe le donneur d’ordre de la mise en œuvre de sa responsabilité dans le cadre de la solidarité financière (art. R 133-8-1 du Code de la sécurité sociale).

Avez-vous une autre obligation outre votre obligation de vigilance ? Oui, l’obligation de diligence ou injonction

Le donneur d’ordre qui est informé par l’URSSAF du manquement d’un sous-traitant à l’obligation de déclaration des cotisations ou d’interdiction d’emploi de travailleurs étrangers sans autorisation. Il doit aussi enjoindre ce dernier de faire cesser, sans délai, cette situation, par lettre recommandée avec accusé de réception.

Cette procédure est prévue par les articles L 8222-6 et L 8254-2-1 du Code du travail qui prévoient les étapes obligatoires devant être respectées par le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre dès lors qu’il est informé par écrit par un agent de contrôle d’un organisme administratif de l’absence de conformité de son cocontractant, donnant lieu à la caractérisation d’une situation de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié ou dissimulation d’activité.

Les mêmes sanctions qu’en cas de manquement à l’obligation de vigilance sont prévues en cas de non-respect de l’obligation de l’injonction.


Diane Lemoine

Cet article a été rédigé par :

Diane Lemoine

Avocate – LM Avocats membre ISSEO AVOCATS

Maître Diane Lemoine a prêté serment en 2002 et est cofondatrice du cabinet LM Avocats depuis 2011 . Elle est également certifiée en santé et sécurité au travail. Son expertise couvre le droit du travail ainsi que le droit de la sécurité sociale et de la protection sociale.

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Jennifer Kieffer

Avocate – LM Avocats membre ISSEO AVOCATS

Maître Jennifer Kieffer est avocate au Barreau de Paris depuis 2017 et collaboratrice au sein du cabinet LM Avocats. Diplômée de l’HEDAC, elle a obtenu le certificat de spécialisation en droit du travail délivré par le Conseil National des Barreaux. Elle intervient notamment dans les domaines du droit du travail et de la protection sociale.

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Florence Monteille

Avocate – LM Avocats membre ISSEO AVOCATS

Maître Florence Monteille est avocate au Barreau de Paris depuis 2003 et cofondatrice du cabinet LM Avocats. Elle est titulaire du diplôme de juriste conseil en entreprise (DJCE), d’un certificat en droit social et d’un diplôme universitaire en médiation de l’Université Paris II. Elle est spécialisée en droit du travail, notamment en relations individuelles, et intervient également en tant que médiatrice.

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