L’entreprise peut-elle considérer qu’elle dispose d’un droit de contrôle de l’activité des salariés en prenant connaissance des données contenues dans le disque dur de leur ordinateur ou encore dans leur messagerie professionnelle ou personnelle ?
C’est souvent l’objet d’interrogations pour le chef d’entreprise. La Cour de Cassation a tout d’abord considéré, dans le célèbre arrêt NIKON (2 octobre 2001) que les salariés avaient droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de leur vie privée et que celle-ci impliquait en particulier le respect du secret des correspondances. Depuis les choses ont évolué.
L’outil informatique, dans l’entreprise, a un caractère professionnel
Le principe posé par les juridictions sociales depuis de nombreuses années, consiste à considérer que les fichiers créés par les salariés à l’aide de l’outil informatique mis à leur disposition par l’employeur pour les besoins de leur travail, sont présumés avoir un caractère professionnel. Ce qui signifie que l’employeur est en droit de les ouvrir, même en dehors de la présence des salariés, sauf s’ils sont identifiés comme étant personnels.
Des salariés ont alors eu l’idée pour empêcher l’employeur d’accéder à leurs fichiers, de dénommer l’ensemble du disque dur de l’ordinateur comme étant personnel.
La Cour de Cassation en janvier 2013 a considéré que cette manipulation était inefficace, un salarié ne pouvant donner un caractère personnel à l’intégralité des données d’un disque dur qui reste bien entendu un matériel à usage professionnel. En février, de la même année, elle a même considéré qu’une entreprise pouvait prendre connaissance des données contenues dans une clé usb, qu’elle soit personnelle ou professionnelle, dès lors que celle-ci était connectée à un outil informatique mis à la disposition du salarié par l’employeur. La clé usb étant alors présumée utilisée à des fins professionnelles.
L’employeur a donc la liberté, d’accéder à cette clé et d’ouvrir les fichiers, dès lors qu’ils ne sont pas identifiés comme étant personnels. Il est de la même manière possible de considérer, qu’une entreprise peut également consulter le contenu de la clé usb même si celle-ci n’est pas connectée à l’ordinateur dans la mesure où une clé usb trouvée dans un bureau bénéficie d’une présomption de professionnalité.
Frontière entre messagerie professionnelle et messagerie personnelle :
Dès décembre 2010, la Cour de Cassation considère que les courriers adressés par un salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail, sont présumés avoir un caractère professionnel de sorte que l’employeur est en droit de les ouvrir même si le salarié n’est pas présent, sauf si celui-ci les a identifiés comme étant personnels. Si néanmoins, ouvrant un message l’employeur se rend compte que celui-ci relève de la sphère privée, il ne peut alors l’utiliser à l’encontre du salarié même s’il avait le droit de l’ouvrir.
Saisis d’un dossier relatif aux sms, les juges considérent que les messages envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l’entreprise, pour les besoins de son travail, sont présumés avoir un caractère professionnel de sorte que comme pour les mails l’employeur est en droit de les consulter en dehors de la présence de l’intéressé. Le raisonnement est d’ailleurs identique pour les messages vocaux laissés sur un téléphone portable qui peuvent être utilisés de la même manière par l’entreprise.
Mais attention, depuis 2016, les mails provenant de la messagerie personnelle d’un salarié, distincte de la messagerie professionnelle, ne peuvent pas être utilisés par l’employeur, s’appuyant sur le principe du secret des correspondances. C’est logique car la messagerie personnelle n’est pas un outil de travail. Par contre, à partir du moment où le salarié intègre des mails dans le disque dur de l’ordinateur mis à sa disposition par l’employeur, si ceux-ci ne sont pas identifiés comme personnels et l’entreprise peut alors les ouvrir.
On le voit bien, l’évolution de cette jurisprudence confrontée à la modification des moyens de communication, permet de dégager une ligne claire et pour une fois favorable aux entreprises. Et ce n’est pas si fréquent en droit du travail. Le salarié doit donc utiliser les outils mis à sa disposition dans un but professionnel et l’employeur a le droit de vérifier que celui-ci exécute correctement son travail en vérifiant la bonne utilisation des outils confiés.
Stéphane Friedmann