Devenue incontournable depuis la crise sanitaire, l’instauration du télétravail quelques jours par semaine s’impose dans la majorité des entreprises, où il est sollicité par les salariés et un critère pour attirer de nouveaux talents. Or, ce changement d’organisation ne relève pas d’une recette unique « miracle », mais demande une adaptation selon la taille de la structure et des activités de l’entreprise. Comme le préconisent Noémie Le Menn, psychologue du travail, il faut s’informer, échanger et communiquer, et poser un cadre clair et précis afin de vivre au mieux cette révolution du travail.
DEPUIS LA CRISE SANITAIRE, LE TÉLÉTRAVAIL S’EST IMPOSÉ DANS UN GRAND NOMBRE D’ENTREPRISES, SOUVENT À LA DEMANDE DES SALARIÉS. QUELLES SONT LES CONSÉQUENCES DANS LA PERCEPTION DU TRAVAIL ?
Jusqu’au printemps 2020, le télétravail restait un épiphénomène réservé aux cadres de grandes structures, souvent perçu négativement par le monde de l’entreprise. Avec la crise sanitaire, des fonctions considérées comme « non télétravaillables » le sont devenues, la survalorisation du présentiel a volé en éclats, tout comme la suspicion d’inefficacité liée à la distance. Ce virage, pris en urgence, a montré notre extrême adaptabilité, mais a surtout bouleversé la représentation classique du salarié ayant besoin de la présence physique du manager ou du patron dans les entreprises où le télétravail était applicable. Nous vivons une vraie révolution dans la représentation de l’organisation classique du travail qui n’en est qu’à ses débuts.
LES SALARIÉS ET LES DIRIGEANTS DE TPME NE VIVENT PAS LE TÉLÉTRAVAIL DE LA MÊME FAÇON. COMMENT CONCILIER DES ASPIRATIONS ET DES BESOINS CONTRADICTOIRES ?
Il faut tirer des conclusions de l’expérience vécu pendant la crise sanitaire, avec les deux extrême du spectre, du burn out des salariés incapables de décrocher à ceux en perte de contact avec l’entreprise. Quant aux personnes peu motivées, « les glandeurs », je dirais que ce n’est pas le télétravail qui les a créés ! Parmi les salariés les plus perturbés par ce bouleversement, j’identifie les jeunes qui débutaient dans un poste, les personnes rencontrant des difficultés à s’organiser ou s’autonomiser seules chez elles, sans le cadre physique du bureau et des échanges en présentiel…
Lire les autres articles du dossier :
Et pour des personnes isolées, travailler représente parfois le seul lien social. Quant à celles qui souhaitent télétravailler à 100 %, ce sont des personnes qui s’épargnent du temps de transport, avec une meilleure conciliation vie professionnelle/vie privée et qui souvent bénéficient de suffisamment d’espace pour installer un bureau à domicile. Pour d’autres, l’éloignement physique génère une distance bénéfique avec un cadre trop stressant. Au sein de l’entreprise, la priorité est de poser un cadre clair avec une certaine flexibilité, dans un dialogue en bonne intelligence. Dans l’idéal, il faudrait adapter les tâches et l’organisation selon les personnalités du salarié et du manager. En psychologie du travail, on sent que l’immense majorité des gens ont envie de réussir, de travailler et de bien faire.
COMMENT ARRIVER À GÉRER UNE ÉQUIPE À DISTANCE ET CONSERVER UNE DYNAMIQUE, UN ESPRIT D’ENTREPRISE ?
Le télétravail doit aider à rompre avec l’idée que le middle management consiste à contrôler son équipe et plus largement à réfléchir aux modes de management. Il est vrai que certains managers ont besoin de « sentir » leur équipe et l’ambiance, d’avoir des contacts physiques ; dans de petites entreprises à culture familiale, le télétravail s’avère plus délicat à vivre et à mettre en place. Cette révolution du télétravail nous apprend à développer des contacts à distance, conceptualiser l’identité d’une entreprise sans se voir régulièrement, et trouver le bon rythme d’un mode hybride (présentiel-télétravail) qui convienne à tous.
Ces articles sont issus du premier numéro de Mutations économiques, politiques et sociales, le magazine de la CPME Paris. Pour retrouver le magazine complet, cliquez ici.