Souvent, l’événement précède l’avènement. Le confinement n’a pas été une simple parenthèse dans l’organisation de notre travail, plutôt une étape. Nous ne travaillerons plus tout à fait comme avant. L’entreprise doit reconsidérer son organisation en interne et ses relations avec l’extérieur. Le télétravail – à domicile, alterné entre le domicile et le bureau ou bien encore hors domicile – devrait modifier durablement la façon de travailler ensemble. Mais à quelles conditions pour que la greffe prenne ?
A distance sans être au loin
Bien sûr, certaines activités ne sont pas télétravaillables : commerce de proximité, artisanat, services à la personne… Même si beaucoup des métiers où la relation à la matière est primordiale se dématérialisent eux aussi de plus en plus, avec notamment l’entreprise et l’industrie 4.0. Après une première apparition déjà remarquée pendant les dernières grèves des transports, le télétravail semble avoir gagné ses lettres de noblesse au cours du confinement. Les “visios”, “call”, “board”, “webinaires” et autres outils de télétravail collaboratif se sont démocratisés. Cinq millions d’entrepreneurs et de salariés ont pu apprécier les avantages de la formule : souplesse des horaires, plus d’autonomie, accroissement de la motivation, conservation “originale” du lien avec les collègues, moins de transports dans les zones urbaines – apprécié notamment par les collaborateurs en situation de handicap – et, parfois, amélioration significative de la qualité de vie. Les TPE-PME et les territoires des zones moins denses de l’Île-de-France bénéficient aussi de ses effets territoriaux avec un élargissement des bassins d’emploi et le développement de l’économie résidentielle. Au final, la souplesse du télétravail a permis aux entreprises concernées – qui le peuvent et le veulent – de maintenir cahin-caha leur activité pendant les deux premiers mois de la crise.
Maintenir le dialogue social
La difficulté, c’est que ce télétravail de crise n’a pas été anticipé et a donc été pratiqué de manière encore largement informelle. Plus de la moitié des salariés en télétravail sont des primo-télétravailleurs. Ils ont pu toucher du doigt quelques-uns de ses inconvénients : isolement, moindre dynamique et créativité de groupe, brouillage des temps professionnel et extra-professionnel avec le risque d’empiètement sur la vie privée et familiale, stress, difficulté à faire valoir certains droits, etc. Sans oublier bien sûr l’illectronisme.
L’ensemble des relations sociales au sein de l’entreprise – entre le salarié et son employeur, entre le salarié et ses collègues – sont ainsi bouleversées par cette nouvelle organisation du travail. Pour faire vivre autrement l’indispensable dialogue social, toutes ces parties prenantes de l’entreprise doivent donc se mobiliser de façon active, constructive et innovante. Plus généralement, faire vivre le dialogue social est d’autant plus important que la crise sanitaire a confirmé une tendance lourde de nos démocraties libérales – toutes catégories sociales et tous territoires confondus : la défiance croissante des citoyens envers leurs représentants et le discrédit profond de la parole publique. Or, je veux le rappeler : pas de reprise économique sans confiance !
Priorité à l’humain !
Alors que l’humain est l’un des atouts des TPE-PME avec la proximité entre le chef d’entreprise et ses salariés, certains collaborateurs vivent parfois la distance comme un éloignement. Ils n’y sont pas forcément préparés, formés ou disposés. La greffe du télétravail ne prendra que s’il est choisi et non subi, que s’il est organisé et encouragé. Il faut donc penser autrement la vie de l’entreprise tout en continuant à donner la priorité à l’humain pour préserver l’envie de travailler ensemble qui fait la force des TPE-PME : formation continue à la maîtrise des outils numériques, valorisation des potentiels humains, prise en charge des frais induits pour un télétravail dans les meilleures conditions, etc. Au-delà des bénéfices économiques et sociaux, tirer tous les bénéfices environnementaux du télétravail, c’est aussi donner durablement la priorité à l’humain. C’est le choix d’une entreprise citoyenne, qui assume pleinement son rôle dans la vie de la cité.