Elue à la CCI Paris et fondatrice de NOVELISA Consulting, Elisabeth Baur est également administratrice et Présidente des Comités d’Audit de l’École Supérieure de la Production de la Mode et du Luxe ainsi que de Gobelins. Elle partage son point de vue sur l’impact culturel et économique de la mode et des Fashion Weeks sur la Ville de Paris.
Depuis la première Fashion Week il y a plus de cinquante ans, qu’est-ce qui a changé ?
Plus d’une centaine de Fashion Week dominent plus que jamais la scène de la mode mondiale. Des défilés se tiennent non seulement dans les quatre capitales emblématiques de la mode, Paris, Milan, Londres et New York, mais également dans des villes émergentes. Au-delà des frontières des nations, ce sont les barrières de l’exclusion, que tend à abattre l’événement mondialisé.
Une avancée indissociable de la diversité et de l’inclusion se manifeste désormais au sein de la Haute Couture. Toute la mode bouscule ses codes, de la variété des mannequins, des designers, ou encore des styles, sous la pression d’une génération montante, en attente de plus de représentativité. Cette évolution des mentalités s’accompagne d’une responsabilité sociale et d’une prise de conscience des problèmes environnementaux. Les marques s’adaptent dans les processus de fabrication et lors des défilés avec des initiatives écologiques.
L’accessibilité de la Fashion Week évolue aussi, grâce à l’ère numérique qui a révolutionné la manière dont l’événement est présenté et consommé. Les marques en profitent : plateformes de streaming en direct, réalité virtuelle, reportages backstage sont diffusés sur les sites et réseaux sociaux avec les influenceurs invités, qui sont missionnés de communiquer en temps réel avec leurs followers et relaient les nouvelles tendances. Puis, cela fait profiter les ventes, les designers sortent des collections en ligne avec des expériences d’achat immersives.
Et qu’est-ce qui reste identique, profondément ancré dans l’ADN de ce
rendez-vous ?
Depuis sa première édition en 1973 à Versailles, la Fashion Week s’est solidement établie comme le lieu par excellence où la créativité et la mode sont célébrées. À chaque défilé, les designers repoussent les limites de l’année précédente pour dessiner de nouvelles tendances.
Bien que l’événement se soit progressivement démocratisé, il demeure toujours très fermé afin de préserver son prestige. Les invitations sont distribuées au compte-goutte, en priorité aux journalistes accrédités, aux acheteurs et aux invités VIP.
La Fashion Week favorise, depuis toujours, les collaborations entre designers émergents, marques emblématiques et acheteurs internationaux, influençant les tendances vestimentaires mondiales. Les défilés inspirent les créateurs et le grand public, façonnant les normes de style et incitant à repenser le style vestimentaire et l’attitude.
Dans l’écosystème des Fashion Weeks mondiales, qu’est ce qui continue de distinguer celle de Paris ?
Paris se distingue incontestablement des autres Fashion Weeks mondiales grâce à sa prestigieuse « Paris Fashion Week Haute Couture », un événement qui bénéficie d’un monopole légal depuis 1945. Cette appellation “Haute Couture” symbolise un savoir-faire artisanal d’exception et une excellence reconnue à l’échelle internationale.
Considérée comme la plus prestigieuse, la Fashion Week de Paris est ancrée dans l’histoire de la mode. Surnommée la « capitale de la mode », Paris incarne une élégance intemporelle et bénéficie d’un héritage inégalé grâce à ses maisons de luxe emblématiques telles que Dior, Louis Vuitton, Chanel, Givenchy, Balenciaga, qui ont façonné et continuent de façonner l’industrie de la mode mondiale. Ces maisons influentes, en tant que membres permanents de la Fashion Week, dictent avec une saison d’avance les tendances et les normes de la mode à venir.
Grâce à son riche patrimoine culturel, Paris accueille les designers dans des lieux emblématiques mondialement connus. Des éditions précédentes ont eu lieu dans des lieux emblématiques tels que le Grand Palais, le parvis du Trocadéro et le Champ de Mars, offrant ainsi un cadre somptueux et chargé d’histoire à cet événement de renommée mondiale.
De quels types sont les retombées de la Fashion Week pour la ville et pour les entreprises parisiennes ?
La Fashion Week renforce l’image de marque de Paris en tant que destination shopping de premier plan et contribuant de manière significative à son économie. En effet, selon une étude de l’Institut français de la mode, la Fashion Week génère près de 10 milliards d’euros de transactions commerciales par an en France. Un chiffre auquel s’ajoute celui des retombées économiques qui atteignent 1,2 milliard d’euros. Celles-ci sont notamment liées de façon directe aux dépenses en communication et publicité. Mais aussi de façon indirecte avec celles concernant l’hôtellerie, la restauration et les transports, ce qui renforce le rayonnement culturel de la ville.
Par ailleurs, l’industrie de la mode française représente près de 150 milliards d’euros de chiffre d’affaires (Fashion United) et 1 million d’emplois dans le pays. La Fashion Week de Paris exerce une influence majeure sur les styles, avec 62% des Français estimant qu’elle impacte leur look, selon une enquête de Shopcade.
Enfin, quels sont les grands chantiers de transformation de ces entreprises à l’horizon 2030 ?
La mise en place d’une stratégie d’accélération des industries culturelles et créatives (ICC) pour 2030 marque une étape significative dans le paysage économique français. Sous l’impulsion de l’État et dans le cadre de France 2030, qui octroie 1 milliard d’euros à l’un des dix objectifs de ce grand plan d’investissements : placer la France en pointe des industries culturelles et créatives (ICC). Dans ce programme, le gouvernement a prévu une enveloppe de 46,8 millions d’euros pour un appel à manifestation d’intérêt visant à susciter de « nouveaux projets de pôles territoriaux permettant de structurer et renforcer localement les acteurs les plus innovants dans le champ des industries culturelles et créatives ». Il souhaite porter une attention prioritaire aux « métiers d’art, au design et à la création de mode, ainsi qu’aux technologies du son et de l’image ».
Cette initiative ambitieuse reflète la volonté de l’État de stimuler l’innovation et de soutenir la croissance économique à long terme, tout en renforçant la position de la France sur la scène internationale dans les domaines culturels et créatifs. En investissant dans les ICC, y compris dans des secteurs aussi emblématiques que la mode et le luxe, la France s’engage à promouvoir l’excellence et l’innovation dans ces industries cardinales, pour son rayonnement mondial.
Cet article a été rédigé par :
Elisabeth Baur
Dirigeante NOVELISA Consulting
Elue à la CCI Paris et fondatrice de NOVELISA Consulting, Elisabeth Baur est également administratrice et Présidente des Comités d’Audit de l’École Supérieure de la Production de la Mode et du Luxe ainsi que de Gobelins.