Portrait | « Il faut croire en ses compétences, se faire confiance et créer les opportunités. »

8 Juin 2021 | Actualités, Cheffes & Dirigeantes

Visionnaire, persévérante et bienveillante, Séverine Desbouys est une ancienne championne cycliste de niveau mondial. Diplômée d’un Master de Stratégie d’entreprise et de Management du Sport, elle dirige depuis 2004 DSC, un cabinet de conseil en stratégie et en intelligence économique.

La CPME Paris Ile-de-France revient sur son parcours atypique, son passage réussi d’une activité de sportive de haut niveau à cheffe d’entreprise et sa volonté de s’investir pour représenter les TPE-PME au sein de la Conférence Régionale du Sport.

Séverine Desbouys, vous êtes une ancienne championne de cyclisme. Tout d’abord, comment ce sport s’est invité dans votre vie ?

Je suis d’un naturel assez timide et pour autant plutôt hyperactif. J’ai donc toujours fait du sport. Étant petite, je jouais au football et j’aimais beaucoup ça. Mais étant issue d’un milieu plutôt rural, je me suis retrouvée confrontée aux mêmes problématiques que de nombreuses petites filles de mon époque… Il n’y avait pas de vestiaire fille au stade. Et donc en arrivant en cadette, il ne m’était plus possible de jouer.

Mes parents ont alors proposé de me mettre au cyclisme. J’ai tout de suite adoré, j’ai vu les possibilités d’évasion, le sentiment de liberté associé et, en plus, comme je me débrouillais plutôt bien, c’est vite devenu agréable.

Quelle est la place des femmes dans le monde du cyclisme aujourd’hui ?

A l’époque où j’étais coureuse, il y avait un très gros vivier français de très bon niveau mais, pour la plupart, nous avons dû nous expatrier pour passer professionnelle car il n’y avait pas d’équipes professionnelles féminines. A cette époque, le cyclisme féminin n’était pas forcément très bien considéré et pas très visible mais cela était le cas de beaucoup de sports féminins, pas seulement du cyclisme.

Cela a bien changé, la FDJ a été précurseur sur ce sujet mais d’autres équipes suivent aujourd’hui (Team Cofidis ou Team Arkea-Samsic) et le retour du Tour de France féminin en est une nouvelle preuve.

Evidemment la médiatisation du sport féminin et la représentation des femmes dans les instances sportives restent insuffisantes mais les choses avancent. L’image d’une discipline est aussi beaucoup portée par une figure qui va incarner à la fois cette dimension de performance et de féminité. Je pense à Pauline Ferrand-Prévot pour le cyclisme, mais je pourrai aussi citer Elodie Clouvel pour le Pentathlon moderne ou Cassandre Beaugrand en triathlon. Toutes seront aux JO cet été pour porter haut les couleurs d’une image de sportive française performante et professionnelle.

Comment avez-vous trouvé l’équilibre entre la vie d’athlète de haut de niveau et la vie de femme ?

C’est une question qui reste difficile. Peu de femmes aujourd’hui arrivent à mener de front une carrière sportive et une maternité. La vie d’athlète de haut niveau est très dure, ce sont beaucoup d’heures passées à vous entrainer, à vous préparer. Les efforts, la fatigue, la recherche de performance font que vous devez vous arrêter relativement tôt dans votre grossesse et que les efforts à faire après, pour la perte de poids, la reconquête de la condition physique ou encore la préparation mentale sont immenses.

Toute évolution passe par des pionniers ou des pionnières qui démontrent que c’est possible et je suis heureuse de voir que certaines ouvrent la voie aujourd’hui : Marie Dorin-Habert en biathlon, Melina Robert-Michon en athlétisme, Estelle Mossely en boxe. Je suis confiante quant à l’évolution du cadre pour les accompagner au mieux dans ce projet de vie sportive au sens large.

En 2003, vous mettez fin à votre carrière sportive. Quelques mois plus tard, après un passage par la mairie de Marseille, vous créez votre première entreprise. Quel a été l’élément déclencheur? Comment êtes-vous passée du sport professionnel à l’entrepreneuriat? 

Dès mon entrée en sports-études j’ai été consciente qu’une carrière ne tenait qu’à un fil.

Au travers de mes voyages internationaux sous le maillot EDF, j’ai eu l’occasion de croiser des femmes des Etats-Unis, de Scandinavie et d’Australie dont la vision du sport et du business n’était pas forcément la même que la mienne.

Bien sûr, Il était nécessaire et important pour tout le monde de se former, mais les entreprises qu’elle souhaitaient intégrer par la suite avaient déjà compris l’intérêt de valoriser ces athlètes – à l’inverse de beaucoup d’entreprises françaises.

Cela commence à changer. Aujourd’hui, un sportif, s’il se forme, est une vraie plus-value, que ce soit dans le business ou même dans l’administration. Mes mentors – Christine Lagarde et Jean-Claude Killy – ne vous diront pas le contraire.

En ce qui me concerne, j’ai rapidement fait le choix d’intégrer une école de commerce avec un double Master Stratégie d’entreprises et Management des organisations sportives. J’avais constaté que les meilleurs athlètes français amateurs avaient décroché des contrats d’insertion professionnelle et que ces contrats étaient majoritairement proposés par les collectivités locales (régions ou départements), premiers investisseurs des athlètes.

Mon idée, en arrivant à Marseille, était de repartir d’une feuille blanche, d’arriver sur un territoire que je ne connaissais pas pour me remettre en question. Mon expérience à la direction générale du développement économique m’a aidé à me structurer. J’y ai découvert le monde de l’entreprise et cela m’a plu.

Dans le même temps, en 2000, j’ai pris un congé sans solde pour préparer une saison complète et fait ma meilleure année. Mais en août 2003, à la suite d’une très grave chute, je me suis retrouvée plus de 9 mois en centre de rééducation. Du coup, il était devenu difficile d’envisager une carrière assez longue.

J’ai alors commencé à réfléchir à mon projet d’entrepreneur. A ce moment-là, mon entraineur m’a parlé d’un projet dans le cadre des paris sportifs – monopole d’Etat – et d’un chef d’entreprise qui souhaitait préparer et influencer l’ouverture à la concurrence. Après une discussion de 4h et je suis repartie avec mon premier contrat de Cheffe d’entreprise sans même avoir rédigé un business plan.

Il faut croire en ses compétences, se faire confiance et créer les opportunités.

Accompagner les sportifs à mener leur reconversion professionnelle nécessite une approche différente d’une reconversion «classique»? 

Bien sûr que l’approche est différente, pour la bonne et simple raison qu’un sportif sera obligatoirement confronté à sa reconversion professionnelle. Une carrière sportive n’est jamais éternelle et peut aussi s’arrêter de manière brutale. Et je crois profondément qu’un sportif bien accompagné peut se servir à merveille de cette culture de performance qu’il vit dans sa carrière sportive pour la transférer dans sa reconversion et au-delà, dans sa vie professionnelle.

Dans une interview, vous expliquez que vous transposez «les méthodologies du sport à [votre] métier». Quelle est votre vision sur les relations entre le monde du sport et le monde de l’entreprise? 

Un athlète de haut niveau est aujourd’hui une entreprise – il est le produit tout en étant la marque et le PDG. Il est très important que les athlètes s’en rendent compte assez tôt afin qu’ils arrivent à avoir de la hauteur sur la façon dont ils positionnent cette entreprise, notamment avec les réseaux sociaux.

Sur la perception de ce qu’est un athlète, cela reste très complexe entre le monde de l’entreprise et l’athlète lui-même. Il faut que l’athlète soit prêt à provoquer son destin, à provoquer des rencontres, car souvent il faudra recommencer tout en bas de l’échelle de l’entreprise. Cela n’est pas toujours facile, c’est pourquoi l’humilité doit rester une valeur clé de l’athlète, dans sa carrière bien sûr mais aussi au moment où il entre dans l’entreprise.

La CPME Paris Ile-de-France vous a confié la mission de représenter les TPE-PME au sein de la «Conférence Régionale du Sport». Quelles sont les missions de cette nouvelle instance et quels sont les valeurs et principes que vous allez y défendre ?  

La Conférence Régionale du Sport en Ile-de-France a pour but de construire un projet sportif territorial, l’Ile de France ayant pour spécificité d’être la région hôte des JOP 2024. Ce projet doit, évidemment, être établi en cohérence avec les orientations nationales en matière de politique sportive définies entre l’Etat et l’Agence nationale du sport, et a notamment pour objet :

  • Le développement durable de la pratique sportive sur les territoires ;
  • Le sport de haut niveau, le sport professionnel et la promotion de l’éthique du sport ;
  • La pratique sportive comme facteur de cohésion sociale et déterminant de santé.

L’Ile de France est la région la moins bien lotie en termes d’infrastructures sportives par habitants ! Nous devons nous mobiliser pour ces sujets mais aussi sur beaucoup d’autres, le développement durable, la mobilité douce, l’égalité hommes-femmes, l’accès au sport pour les publics prioritaires ou les personnes handicapées, il y a tant à faire.

Au sein de cette instance, mon profil relativement atypique peut apporter du consensus mais aussi une dynamique de modernisation. J’ai donc été élue Vice-Présidente de la Conférence et je serai membre du Bureau. En tant qu’ancienne athlète, maman, cheffe d’entreprise et usager des installations sportives, j’ai de multiples expériences à faire valoir mais je souhaite principalement mettre en avant les valeurs que je partage avec la CPME Paris Ile-de-France et qui sont l’agilité, la compétence, l’écoute, l’esprit d’équipe et la bienveillance.  

Quels sont vos projets futurs ? 

Je suis aujourd’hui porteuse d’une mission qui m’a été confiée par M. Jean-Michel Blanquer, Ministre de l’Education, de la Jeunesse et des Sports, sur le Savoir Rouler à Vélo. Ce programme, qui a été lancé en 2018, a pour but de s’assurer que tous les élèves qui entrent en 6ème, soient capables de rouler en toute sécurité à vélo. Pour 2022, l’objectif fixée avec Roxana Maracineanu, Ministre déléguée aux sports, est de 200 000 élèves. D’ici 2024, nous souhaitons pouvoir couvrir l’entière tranche d’âge, c’est-à-dire 800 000 élèves. C’est une mission passionnante et j’espère, avec mon expertise et mon expérience, apporter une pierre cruciale à l’achèvement de cet objectif.

Par ailleurs, sur le plus long terme, cela fait quelques années que je suis très engagée aux cotés des collectivités notamment sur les aménagements urbains et les mobilités – principalement douces. Je souhaite m’investir toujours plus sur ces différents sujets que je pense cruciaux pour l’avenir. En effet, ils sont au centre de nombre de réflexions actuelles : la ville de demain, la lutte contre le réchauffement climatique, le sport-santé…


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