Barème prud’homal : ce que dit la Cour de Cassation

29 Juil 2019 | Dossiers, Mandats, RH

Le 17 juillet dernier, la Cour de Cassation était réunie en formation plénière pour avis pour se prononcer sur deux demandes formulés par des conseils de prud’hommes relatives à la compatibilité avec des normes européennes et internationales des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, le barème prud’homal.

Les magistrats de la Haute juridiction ont en effet validé le barème fixant les indemnités pouvant être allouées par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, estimant que les dispositions issues de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 n’étaient pas contraires à celles de l’article 10 de la Convention n°158 de l’Organisation internationale du travail (Cass. ass. plén., 17 juill. 2019, n° 15012 ; Cass. ass. plén., 17 juill. 2019, n° 15013).

Pour rappel, la Cour de cassation est la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français. Contrairement aux tribunaux (première instance) et aux cours d’appel (deuxième instance), qui jugent en fait, la Cour de Cassation examine en droit les décisions prononcées. Son rôle n’est pas de rejuger mais bien de dire si les règles de droit ont été correctement appliquées dans les précédentes instances.

Sur la question du barème prud’homal, la Cour de Cassation organise son argumentation sur trois points.

Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales

La Cour de cassation considère à travers ces avis que le barème d’indemnités prud’homales versées en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ne constitue pas un obstacle procédural entravant l’accès à la justice.

L’article 6 §1 de la CEDH ne s’applique en effet qu’aux limitations procédurales et ne peut, selon une jurisprudence constante de la Cour Européenne des Droits de l’Homme1, s’appliquer aux limitations matérielles d’un droit consacré par la législation interne.

En somme, la Convention Européenne des Droits de l’Homme ne peut être invoquée contre l’utilisation du barème prud’homal. 

Application de la Charte Sociale Européenne révisée

L’article 24 de la CSE dispose qu’ “en vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s’engagent à reconnaître :

1. le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service ;

2. le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.

A cette fin les Parties s’engagent à assurer qu’un travailleur qui estime avoir fait l’objet d’une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial.”

La Cour de cassation estime que cet article n’est pas d’effet direct. Elle retient qu’une marge d’appréciation suffisamment importante est laissée aux parties contractantes et ne peut donc permettre à des particuliers de s’en prévaloir dans le cadre d’un litige devant les juridictions judiciaires nationales.

À noter que ce point apporte par la même occasion une réponse sur la question de l’applicabilité indirecte de ce texte en droit national, un point qui n’avait pas encore été tranché par la chambre sociale de la Cour de Cassation.

Application de la Convention n°158 sur le licenciement de l’Organisation Internationale du Travail

Sur ce texte, la Cour de Cassation a tout d’abord estimé qu’il était d’application directe en droit interne. En d’autres termes, l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT est donc invocable à l’encontre de l’employeur devant le juge judiciaire.

Cet article dispose que « Si les organismes mentionnés à l’article 8 de la présente convention [tribunaux, tribunaux du travail, commissions ou arbitres impartiaux] arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ».

Autrement dit, cet article fixe deux principes : 

  • le salarié, s’il ne peut être réintégré dans son emploi, a droit à une indemnité ;
  • cette indemnité doit être adéquate ou prendre « toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ».

La Cour de cassation, reprenant les divers rapports et recommandations de l’OIT, pose une définition du terme « adéquat ». Ce terme « doit être compris comme réservant aux Etats parties une marge d’appréciation».

La Haute juridiction rappelle lqu’en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge français peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise. Dans le cas où cette réintégration serait refusée par l’une ou l’autre des parties, le juge octroie au salarié une indemnité, à la charge de l’employeur dans les limites de montants minimaux et maximaux. Ces montants sont fixés par le barème prévu à l’article L. 1235-3 du Code du travail.

Dès lors, l’indemnité versée au salarié pour licenciement sans cause réelle et sérieuse serait comprise entre un montant minimal et un montant maximal, et pourrait être modulée selon l’ancienneté du salarié, elle serait ainsi adéquate et donc compatible avec les dispositions de l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT.

En conclusion, l’utilisation du barème prévu à l’article L. 1235-3 du Code du travail est conforme aux engagements français issus des dispositions européennes et internationales.

Par conséquent, les conseillers prud’homaux sont tenus d’appliquer le barème prud’homal. La CPME rappelle donc à l’ensemble de ses représentants la nécessité de prendre des décisions prud’homales en application des dispositions légales.


(1) CEDH, 29 novembre 2016, Paroisse gréco-catholique Lupeni et autres c. Roumanie, n° 76943/11

Plus d’informations sur les mandats de Conseillers Prud’hommes à la CPME Paris Ile-de-France

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